Alors, quand mes pensées m’embarquent, même si au début je ne m’en rends pas compte car je suis en fusion avec elles, je finis par me dire « Oh ! J’ai décroché ». Et je peux observer la pensée qui m’a embarqué(e). Je deviens donc plus conscient du bavardage de l'esprit, des émotions et des réactions qu’il induit. Dans cette nouvelle position, dans la tour de contrôle, je m’accorde la possibilité d’avoir plus de liberté et de choix : je ne suis pas obligé(e) de me laisser entraîner dans mes vieilles « ornières mentales », tout en étant davantage présent(e) dans l’expérience de ma vie.
C’est le but de ce programme : augmenter ma conscience afin que je puisse répondre aux situations par choix plutôt qu’en réagissant automatiquement. Je réalise cela en m’entraînant encore et encore, durant les exercices et en dehors, à orienter délibérément mon attention et à devenir plus conscient de l’objet de mon attention.
Par exemple, je ressens une inspiration, puis mon esprit produit un objet (Une pensée qui me concerne par exemple) et j’ai tendance à fusionner avec cette idée. Je me dis : « Je devrais arrêter ma méditation » et non pas « Il me vient l’idée que je devrais arrêter ». Je perds mes distances. Je suis dans l’avion.
Ce n’est pas grave. Quand je le remarque, j’essaie de prendre conscience du contenu de mes pensées et je refocalise tranquillement mon attention sur l’objet de mon choix (Ma respiration, mon corps…). J’ai repris ma place dans la tour de contrôle.
Un grand secret
Chaque fois que je prends conscience d’avoir été embarqué(e) par mes pensées, j’ai gagné ! Je peux être heureux(se) et sourire. Parce que précisément, c’est quand je m’en rends compte que je défusionne. C’est à ce moment précis que je reprends de la distance, que je laisse mes pensées se décrocher. C’est faire l’expérience de « fusion-défusion », cent, mille, dix-mille fois, qui va porter ses fruits. Au fur et à mesure, mes pensées perdent leur pouvoir toxique. Au fur et à mesure, je m’installe de plus en plus dans la tour de contrôle de mon esprit.
Élargir ma conscience
La pleine conscience, c’est réussir à focaliser mon attention sur tous les aspects de l’expérience présente, les uns après les autres. Mais aussi sur tous en même temps (Voir schéma 4), c'est-à-dire savoir élargir un maximum mon champ de conscience.
En effet, lorsque je rumine des pensées tristes par exemple, le problème n’est pas uniquement l'existence de ces pensées. Le problème est surtout la focalisation automatique de mon attention sur ces pensées et ma fusion avec celles-ci, ce qui obnubile ma conscience toute entière.
La pleine conscience, ce n’est pas de me forcer à fuir mes pensées négatives en focalisant mon attention sur autre chose. Ce n’est pas un évitement. C’est d’abord reconnaître avoir ces idées négatives et les accepter : « Oui, J’ai ces idées négatives ». C’est surtout accepter de me rendre compte que ce ne sont que mes pensées et pas forcément une réalité dangereuse contre laquelle je dois lutter. Je me contente d’observer mes idées, sans fusionner, sans me battre contre…
Ce n'est pas là une résignation. C’est juste l’acceptation de quelque chose qui est déjà présent. C'est simplement accepter l'expérience intérieure (pensées, émotions et sensations), certes désagréable, mais qui est là. C'est la première étape indispensable. En effet, comment s'occuper de quelque chose qui n'est pas encore en notre « possession ».
La première étape est donc bien ceci : « Oui, j’ai ces idées négatives ». Et plutôt que d’user toute mon énergie à ruminer ou à lutter contre, je choisis plutôt de focaliser mon attention sur l’ensemble des éléments de mon expérience. C’est comprendre qu’il faut économiser mon énergie en acceptant d’abord de faire une place à mes pensées, émotions et sensations désagréables. C’est comprendre que ce ne sont que des pensées ou des émotions. Alors je peux leur faire une place, mais pas leur donner toute la place. Pour les diluer, je les laisse exister, mais j’inclus toujours plus d’objets dans ma conscience. Avec la pratique de la méditation, il me sera possible d’inclure toujours plus d’éléments. C’est une façon de les remettre en perspective : ces pensées ne sont que des pensées qui n’occupent qu’une petite place dans ma conscience élargie. Pourquoi donc m'en faire une montagne ?
Élargir ma conscience a aussi un intérêt de par son impact sur l’estime de moi. Le problème est que nous sommes dans une société de plus en plus individualiste (chacun pour soi) et que souvent, le fait de me centrer uniquement sur moi alimente les pensées liées à l’ego. L’ego, c’est comment je me considère en tant que personne. L’ego garde un peu la trace de notre enfance et reste facilement immature. Il cherche à être regardé, aimé et admiré. Il se blesse très rapidement quand il se sent mal aimé ou confronté à l’échec. Comme personne n’est parfait, que personne ne plaît à tout le monde, il y a toujours un moment où cela fait mal. Alors si je fusionne avec des pensées concernant mon ego, alors cela abîme mon estime de moi.
Quand je suis en pleine conscience, je mets à distance les pensées concernant mon ego. En élargissant ma conscience, je me relie aux autres et au monde. Je ressens que je fais partie d’un tout. Mon ego n’a plus lieu d’être. Je vais approfondir cela lors de la séance 11.